Alors qu'approche la Noël et que la vie quotidienne est rythmée par la préparation de l'événement-avènement, le patrimoine médiéval d'Autun m'a inspiré un conte de Noël que je vous propose d'ajouter à la guirlande des cadeaux et des étoiles scintillantes...
Un conte de Noël autunois : le réveillon miraculeux de Pierre
Quand il arriva, godillots boueux et veste trempée par la neige, au pied de la cathédrale d'Autun, but de son voyage, Pierre le sculpteur s'illumina devant le prestigieux tympan signé par Gislebertus.
Un mois plus tôt il avait quitté Paris à pied. Étudiant en beaux-arts dans la Capitale il était d'abord tombé amoureux d'une œuvre majeure du sculpteur médiéval, grand artisan du sanctuaire autunois. Il avait en effet été fasciné par les images de sa Tentation d'Eve et avait ardemment voulu la voir "en vrai", d'où ce pèlerinage inspiré par sa spiritualité et par son amour de l'art.
C'est ainsi que sa longue marche, par les chemins de traverse d'Île de France puis de Bourgogne, lui avait permis d'approcher nombre de chefs d’œuvres dont la France est si riche, faisant une halte inoubliable à la basilique de Vézelay, et posant son sac à Saulieu, cité de François Pompon, où la sculpture règne jusque dans la rue...
Passer la porte romaine d'Arroux avait représenté pour lui un enchantement, et grimper, la veille de Noël, par les rues illuminées, à la haute ville, un bonheur doublé d'une épreuve physique car il se sentait épuisé.
Il faisait nuit, il faisait froid, il faisait si faim... Pierre avait besoin d'un abri, il le trouva donc dans le vaste édifice du 12e siècle, portant le nom de Lazare, surmonté de sa haute flèche, alors que les fidèles se pressaient pour la messe de minuit.
...Ite missa est...
Allaient commencer les repas de famille. Mais pas de réveillon en perspective pour Pierre le solitaire ; il se sentait maintenant abandonné, mais les murs neuf fois centenaires lui permettraient de dormir discrètement au sec, avec pour festin le quignon de pain rassis et le fromage d’Époisses gardés dans son sac.
« Minuit chrétien, c'est l'heure solennelle »...
Mais Pierre l'aurait bien célébrée autrement qu'en dégustant l'eau d'un bénitier.
Pas même une burette de vin de messe à siffler... Le sculpteur leva les yeux au ciel et son regard s'arrêta sur un chapiteau éclairé par une lumière céleste. Il représentait une Nativité particulière : La Vierge allongée sur un lit douillet et Jésus prenant son premier bain dans un cuveau, aux bons soins d'une sage-femme.
Et voici que la baignoire divine se mettait à déborder, laissant couler, jusqu'à sa gorge assoiffée, un savoureux filet de pinot noir de Bourgogne, tel le Petit Jésus en culotte de velours...
Bien avant le fameux changement de l'eau en vin aux noces de Cana...
Pour Pierre le sculpteur, c'était aussi Noël !
Dominique ARNAUD
Note : Achevée au milieu du 12e siècle la cathédrale d'Autun vouée à saint Lazare culmine à 80 mètres et domine la cité gallo-romaine et ses remparts.
Si le tympan du Jugement dernier, signé Gislebertus, est fameux, de nombreux chapiteaux sont également attribués au sculpteur médiéval, aussi auteur de la Tentation d'Eve qui se trouve au musée Rolin voisin, et ornait le portail latéral de la cathédrale. La Nativité évoquée se trouve en bas du bas-côté gauche. Elle est bien mise en valeur.
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