J'ai l'impression que cela fait depuis toujours... Depuis toujours que je m'intéresse, en général au spectacle de la nature, en particulier au monde des insectes.
Je me souviens avoir commencé, bambin, à capturer les petits coléoptères qui grimpaient le long des graminées. Puis, au début de l'adolescence, la démarche devint, bien que modeste, plus scientifique, occasion de réaliser une collection, de fréquenter des sociétés savantes et de m'intéresser en amateur tant à la classification des milliers d'espèces vivant en France (il est essentiel de connaître les différences et points communs entre coléoptères, lépidoptères, hyménoptères et autres diptères) qu'à leurs mœurs si variées, en lisant notamment l'excellent Jean Henri Fabre. Un maître.
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Cependant il est un phénomène que je n'avais pas imaginé à l'âge de quinze ans ; que soixante ans plus tard la biodiversité aurait tant reculé. Certes, en balade, en compagnie de mon frère Pascal et notre ami Marcel, j'étais déjà attentif à ne prélever sagement dans l'environnement qu'un ou deux spécimens de chaque espèce. Mais il nous était impossible de prévoir l'appauvrissement constaté au début du 21e siècle.
Pourtant, à l'époque, le théâtre de nos observations, outre quelques forêts nordiques, n'était pas prodigieux. Il se limitait le plus souvent à ce qui restait alors de campagne dans la périphérie lilloise. Une « campagne » aujourd'hui urbanisée où volaient cependant, de nuit et de jour, de fort belles espèces et notamment, pour les papillons, les prestigieux machaons, les jolies vanesses de l'ortie, les sphinx et les écailles, les argus, les cossus cossus ; et aussi les longicornes et les bourdons, les sauterelles et les criquets sans oublier de beaux coléoptères bousiers dont les « rhinocéros » du jardin botanique de Lille, ou encore les carabes et cétoines aux reflets métalliques qui nous faisaient rêver des tropiques, les dytiques bordés des fossés de la Citadelle ! Et j'en passe !
Force est de constater aujourd'hui, lors de mes balades en Bourgogne, que je vois beaucoup moins d'espèces que par le passé. Ce n'est pas faute de scruter ! Cela ne vole presque plus au bord des chemins. Chaque trouvaille (sans capture évidemment) me réjouit et je suis toujours heureux d'apercevoir un méloé, une écaille martre (il y a quelques jours), un géotrupe ou encore un papillon citron, le gonepteryx Rhamni...
Je me souviens des ombelles qui attiraient de très nombreux butineurs, abeilles, diptères divers, et bien des petits coléos. Aujourd'hui, les mêmes ombelles sont le plus souvent presque désertées, même en des lieux épargnés apparemment par les épandages massifs de pesticides. Individuellement nous sommes bien impuissants face un phénomène qui risque fort d'être irréversible si les mesures indispensables ne sont pas prises. Mais néanmoins il nous appartient de protéger le moindre mètre carré susceptible de receler un peu de vie. La moindre plante, la moindre bestiole, font partie d'une chaîne qui est hélas de plus en plus brisée...
Photo : abeille charpentière ou xylocope