Une rétrogradation mal vécue, celle de
Paul Bocuse
J'ai été assez étonné par le déchaînement médiatique qu'a provoqué la perte, par le restaurant de feu Paul Bocuse, de sa troisième étoile au Michelin, rétrogradation entraînant une inflation verbale allant du “pape détrôné” à “la cuisine française en deuil” et à “l'agression contre le patrimoine culturel français”, avec en tête des protestataires Marc Veyrat qui, privé d'une étoile il y a un an, a de plus perdu son procès contre le fameux guide rouge.
Si mon expérience gastronomique ne m'autorise pas à juger de la qualité des restaurants étoilés et quasiment toujours hors de prix, je pense que cette affaire autorise deux commentaires.
Le premier est de défendre la liberté d'expression du guide qui est devenu la bible des gastronomes. Michelin a parfaitement le droit et même le devoir de se montrer critique, à l'instar des chroniqueurs parlant de l'actualité littéraire, cinématographique ou politique. Si un grand écrivain publie un mauvais livre, si un metteur en scène se fourvoie, si un élu se plante, les faire descendre de leur piédestal représente une nécessité sans laquelle toute crédibilité serait perdue.
Autre aspect des choses, propre aux guides gastronomiques : s'il est nécessaire, régulièrement, de promouvoir les restaurateurs ayant progressé dans leur art, il faut bien aussi parfois faire de la place au firmament et en sanctionner quelques-uns, sous peine de disposer à terme d'un guide gastronomique où il n'y aurait plus que des trois étoiles.
En bref si les chefs acceptent d'être distingués, ils doivent aussi accepter de rentrer dans le rang...jusqu'à une reprise de galons...
Une armée où il n'y aurait plus que des généraux étoilés manquerait singulièrement... de marmitons !
D. A.