
Je reçois ce matin un message d'une fidèle lectrice, Ani, qui m'écrit :
LA GELÉE DE FRAMBOISES DE LURE
Il fallait se lever très tôt pour être au lever du soleil dans la montagne de Lure.
Là, sur les parcelles des coupes de bois, poussaient des framboisiers. Dés la mi-août la cueillette de ces petits fruits au parfum concentré, pouvait se faire.
Sacrifier la grasse matinée, ressentir cette nausée d'un lever trop tôt, s'égratigner les bras aux piquantes branches, frémir aux mouvances insolites de l'herbe , subir les attaques des insectes dérangés, frôler par maladresse les orties ...
Bref ! on supportait car on savait ... qu'avec fierté on allait goûter au bonheur de voir son petit seau plein de framboises, ce fruit couleur, ce fruit parfum.
De retour à la maison, branle-bas de combat dans la cuisine : la bassine en cuivre, la balance, l'étamine, le presse-légumes, la cuillère en bois, l'écumoire, le sucre et les bocaux pimpants.
Après avoir chauffé les framboises dans la bassine, on les passait au presse-légumes, puis pour éliminer les graines échappées, on passait ce jus à l'étamine, on pressait, on tordait pour extraire un maximum de jus. Les mains étaient rouges, rose vif, rouge et rose puissants, concentrés ... Le jus était pesé, on lui ajoutait le même poids de sucre en poudre, c'était magique, avant de mélanger, le jus montait dans le sucre, le colorait, l'absorbait sans perdre de sa puissance, la couleur était toujours aussi intense, le parfum acidulé emplissait la cuisine, un parfum unique.
La cuisson aussi était une alchimie, le solide se liquéfiait avec la chaleur, une écume blanchâtre striait la surface de la bassine. L'écumoire enlevait cette pellicule, la cuillère en bois tournait ce mélange, on surveillait la cuisson tous sens aux aguets ! Trop cuite la gelée perdrait de son parfum au profit du sucre, pas assez cuite elle resterait liquide et se moisirait. Alors on testait " la goutte ", on soulevait la cuillère nappée de sirop au-dessus de la bassine, on l’égouttait. A vue, on cherchait la goutte qui s'arrondirait, s'alourdirait, se détacherait lentement de la cuillère et resterait ronde, en boule sur la soucoupe. A ce stade on arrêterait la cuisson et on remplirait les bocaux de cet élixir transparent, intense, écrin d'un parfum inoubliable, subtil, riche d'émotions, riche de sensations et tellement bon !
ANI
A savoir : La Montagne de Lure appartient aux Préalpes de Haute-Provence ; ce grand massif atteint 1888 mètres d'altitude et fait partie de la même formation géologique que le plateau d'Albion.
Karstique, la Montagne de Lure est crevassée d'avens et l'eau y est particulièrement précieuse. Couverte de forêts et d'alpages, elle possède une faune très riche comprenant des grands mammifères et aussi le retour des loups.