
Dans les méandres de mon ordinateur, replonger dans mes archives photographiques est passionnant et émouvant. Ainsi ai-je ressorti pour ce blog des photos de l'usine de ferromanganèse qui a dominé le port de Boulogne-sur-Mer pendant toute ma carrière journalistique.
Il s'agissait de Comilog qui succéda à l'appellation SFPO laquelle avait été précédée par APO comme Aciéries de Paris et d'Outreau. Ces hauts-fourneaux ont procuré du travail à des milliers de Boulonnais et plusieurs vagues de licenciements se succédèrent jusqu'à la fermeture et à la démolition des usines du port, aggravant la situation économique de la cité impériale frappée aussi par les difficultés du port de commerce et de la pêche fraîche en chute libre. Le revenu moyen y est maintenant parmi les plus faibles de France, bien inférieur à celui de la petite ville d'Autun…pourtant pas si bien lotie.
Mais revenons à mes photos. La plus ancienne, datant de 2002 représente les chars à voile sur la plage de Boulogne avec en fond les usines encore en marche puisque la décision de la fin de leur activité ne fut prise que fin 2003 et que la démolition du dernier haut-fourneau eut lieu en 2006.
Bien des souvenirs se rattachent à ces entreprises où je suis rentré souvent, constatant par exemple, à l'usine de Manihen-Outreau, la difficulté et l'insalubrité du travail des ébarbeurs il y a des lustres. Ils achevaient, à la main, l'usinage des patins de freins pour les chemins de fer. Je me souviens aussi de la situation tragique dans laquelle vivaient les travailleurs nord-africains d'Outreau dont les baraquements près du « Crassier » s'étaient trouvés sans chauffage au coeur de l'hiver : j'y avais consacré un long article pour dénoncer les faits.
Je me souviens aussi, non seulement des nombreuses réunions au sein de l'entreprise, mais de ce délégué syndical affable qui m'avait offert un jour un morceau du minerai qui était la spécialité, de renommée mondiale, des APO. Et puis de ce correspondant de la Voix du Nord qui y avait fait une carrière de 53 ans, de 12 à 65 ans...
Les journalistes entraient parfois dans l'usine du port jusqu'aux spectaculaires hauts-fourneaux et une fois ce fut à l'occasion de la destruction par la douane de centaines (ou milliers) de kilos de drogue vite évaporée par la chaleur du métal en fusion. J'en avais imaginé un poisson d'avril évoquant l'influence de la fumée de haschich sur les décisions des édiles locaux mais mon billet avait été censuré par mon journal…
Et puis il y eut en 2006 l'achèvement de la démolition de l'usine. Une page de l'histoire boulonnaise était définitivement tournée… Vu de la plage, le panorama du port en avait été complètement changé. Je ne sais pas s'il en est de même de la vie...
Mais ce qui est sûr, c'est qu'en 2013, dix ans après la fin d'activité, le bilan pour Boulogne avait été qualifié de "piètre" par la presse alors que d'aucuns avaient beaucoup attendu de la requalification de la zone portuaire.