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Scène peut-être banale mais finalement si réconfortante. Elle se passe en gare SNCF de Lille-Europe où dans le hall immense, un piano est mis à la disposition du public, doté d'une simple mention « A vous de jouer, à votre tour » tant en français qu'en anglais. Un jeune homme ne s'est pas fait prier. Pour lui-même, pour ceux qui veulent l'écouter aussi, il joue avec aisance un air plutôt moderne mais que je ne connais pas. Fort bien interprété d'ailleurs. On sent que le jeune homme est imprégné par son art. Autour de lui, les voyageurs paraissent d'abord indifférents. Blasés ? Mais voici que survient un autre jeune homme, qui regarde intensément le premier. Il y a un échange à peine visible, un contact quasi muet. Mais je comprends que le second lui aussi a envie de pianoter.
Le premier lui fait une petite place sur le... banc, bien peu large d'ailleurs, mais qu'importe. Collés l'un contre l'autre, sans vergogne, alors que le second a gardé aux épaules son sac à dos, ils se lancent dans un dialogue à quatre mains. Quelques passants s'attardent pour les écouter. Les deux musiciens échangent un sourire complice. Manifestement ils prennent du plaisir, ils parlent tout en continuant à jouer, mais je ne saisis pas ce qu'ils se racontent. Ils fredonnent aussi. Toujours est-il qu'au bout de quelques minutes, le premier arrivé se lève, abandonnant le clavier à son successeur. Cependant il ne s'éloigne pas. Il cherche de la musique sur son téléphone mobile, et manifestement des paroles aussi. Curieux karaoké ! Il se met à chanter pendant que son partenaire l'accompagne. Un vrai concert improvisé, pour le bonheur de l'instant tout simplement. A l'occasion d'une pause, je tape des mains, entraînant quelques applaudissements alentour. Puis je dégaine mon appareil photo : quelques clichés au flash qui ne perturbent pas les artistes, lesquels manifestement s'accordent quant au choix du titre suivant.
Ma curiosité m'amène à leur demander s'ils se connaissent. Réponse avec le sourire : « Oui, mais depuis cinq minutes ».
Depuis cinq minutes mais ils donnent l'impression d'une complicité de longue date. Ces deux-là n'ont pas fini de faire de la musique ensemble, une musique qui les a rapprochés. J'aimerais bien que ces jeunes gens tombent par hasard sur ce petit journal, qu'ils me laissent un commentaire, qu'un beau jour je les retrouve au sommet de l'affiche. Après tout il n'est pas interdit de rêver, tout en imaginant qu'à ce piano confié au talent des voyageurs, il doit s'en passer bien d'autres. Que du bonheur vous dis-je !
A noter que cette opération de pianos dans les gares, inaugurée l'an dernier, a remporté un grand succès dans une centaine de villes françaises. Elle a donné lieu, avec le partenariat de Yamaha Music, à un grand concours séduisant tant le public que les musiciens, et apportant une souriante convivialité.
