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Franck Longelin et ses « Exécutions picturales »
A une époque où des artistes réclament fort justement « une équité de traitement médiatique et institutionnel », le travail du Boulonnais Franck Longelin trouve une pertinence toute particulière, offre grande matière à réflexion. C'est pourquoi je reproduis aujourd'hui le texte que je lui avais consacré il y a quelques années dans un ouvrage, voué aux peintres du Boulonnais et de la Côte d'Opale, qui avait été édité en intégralité sur le site WeLoveWords et très largement consulté par les amateurs d'art.
Lire aussi l'article de Jean-Luc Chalumeau
http://www.visuelimage.com/hebdo/index.php?ad=0&id_news=8467
Voir le site de Franck Longelin
http://franck-longelin.blogspot.mx/

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Franck Longelin et ses « Exécutions picturales »

Rebelle, enthousiaste, résolument contemporain

Franck Longelin a entrepris une longue quête picturale

Dans son atelier trop vaste pour être correctement climatisé, le peintre boulonnais Franck Longelin, habillé de multiples épaisseurs de laine, semble également réchauffé par un feu intérieur. Il pense que des conditions de travail peu douillettes favorisent l’inspiration. D’ailleurs son œuvre témoigne de sa volonté d’aller bien au-delà d’une recherche esthétique. Passionné jetant sur le Monde, comme sur l’actualité, un regard sans aménité, Franck est convaincu que dans le flot d’images qui nous assaillent de nos jours rares sont celles qui montrent la réalité, la plupart mentant par omission, d’où la nécessité renouvelée de la peinture…

L’auteur de cet ouvrage a connu Frank Longelin à ses débuts. Assistant à sa montée en puissance, il a toujours été impressionné par la profondeur d’une démarche qui n’est pas toujours accessible au grand public. Une démarche méritant d’être expliquée.

Plus mûr aujourd’hui, mais ayant conservé un enthousiasme adolescent, le peintre, dont seule la manière a évolué, n’a pas changé depuis trois décennies. Il a conservé de la rébellion dans le regard et de l’enthousiasme dans la geste.

Né à Boulogne le 4 octobre 1956, cet autodidacte n’ayant accompli que de courts passages aux Beaux-Arts a été essentiellement nourri par le « choc des oeuvres » contemplées tant dans les musées que dans les livres. Ses initiateurs furent aussi, dans sa tendre enfance, ses parents. Son père Charles peignait. Sa mère Jocelyne a toujours été férue de littérature. C’est ainsi que le jeune Franck put se distinguer dès son plus jeune âge par son talent de dessinateur. Il avoue que lors des cours, il réalisait des portraits de ses professeurs, ce qui n’était pas toujours bien vu…

Quelques années passèrent. Quand Franck atteignit l’âge de 17 ans, il prit conscience de sa vocation en découvrant les impressionnistes dont il aima d’emblée l’expression poétique. Ses premières toiles furent inspirées par le fauvisme, et c’est en 1978, à 22 ans, qu’il se lança dans sa démarche professionnelle en installant son premier atelier Grande-Rue à Boulogne, s’inscrivant ainsi dans la cité, non pour imiter les vieux maîtres, mais pour trouver sa propre écriture. Si les fauves avaient au début du 20ème siècle remplacé la palette douce des impressionnistes par des couleurs plus violentes, Franck supprima le motif pour envisager la peinture en elle-même, en tant que sujet, et la mettre ensuite en volume. Nous nous souvenons bien de ces blocs dont les couleurs éclatantes semblaient se prolonger dans la masse. Cette recherche sur trois dimensions le conduisit à démarrer de l’informel pour aboutir à la représentation du vivant par le truchement de la symétrie. En effet cette disposition par rapport à un axe, cet effet de miroir, suggèrent la figure, car la répétition symétrique évoque l’être. Par exemple, si un bâton isolé n’exprime rien, deux branches parallèles suggèrent en effet des jambes. Évoluant de l’espace indéfini aux limites de toiles pourtant vastes, Franck Longelin composa alors, à partir de taches, une calligraphie s’apparentant à l’écriture orientale. Compositions abstraites qui devaient finir par appeler la figure. Mais pas n’importe laquelle, car la représentation, selon lui, ne devait pas venir détériorer le vide, d’où la survenue d’images christiques constituant, notamment par les dépositions de croix, une phase importante du cheminement de Franck Longelin. Cette période mystique lui a permis d’exprimer les problématiques les plus douloureuses de notre temps, de l’Holocauste d’hier aux exterminations d’aujourd’hui, dont les images insupportables parviennent dans tous les foyers portées par la télévision et l’Internet. C’est ainsi que sa Décapitation de Saint-Georges a été inspiré par une exécution irakienne.

Un artiste engagé

L’engagement du peintre a été particulièrement manifeste lors de son travail sur les médias, véritable coup de gueule de la raison poétique se rebiffant devant l’actualité. Prouvant la pertinence de la peinture dans le monde contemporain, Frank Longelin démonte pour reconstruire, ne voulant pas seulement casser. De surcroît, il fait la démonstration qu’en agissant sur les images, on pèse également sur la réalité, ce qui continue à être l’objectif de cet artiste engagé. D’où sa série des « Exécutions picturales » prenant pour cibles les images télévisuelles d’émissions grand public, lesquelles sont les plus contraires à l’art du tableau. C’est donc bien, dit-il, au sens propre comme au sens figuré qu’il faut entendre les mots « Exécutions picturales » car c’est en effet une certaine résolution picturale propre à l’artiste qui permet ici, dans une mise en scène quasi théâtrale, d’élever une série d’attentats fictifs au niveau d’œuvres d’art.

Les expositions

Franck Longelin exposa pour la première fois, au lycée Mariette, à l’âge de 19 ans.

Auteur de plusieurs expositions personnelles à la galerie parisienne Nicole Ferry, en front de Seine, le peintre a été notamment présent à la galerie Le Carré de Lille, au salon d’art contemporain de Montrouge, à La Passion de Dunkerque à Ypres, au musée Saint-Germain d’Auxerre. Son œuvre saluée par Jean-Luc Chalumeau est parvenue à la reconnaissance publique : acquisitions par le château-musée de Boulogne, le musée d’art contemporain de Dunkerque, le conseil général du Pas-de-Calais, La Passion de Dunkerque…

Avec Marie Sallantin, Longelin est co-fondateur de l’association Face à l’art.

Devant la toile blanche

De la toile blanche, Franck Longelin se plait à révéler le châssis en l’imprégnant d’huile de lin ce qui provoque transparence et dominante jaune. Le peintre n’aborde pas toujours la page vierge de la même manière. Quand il a déjà mûri, dans sa pensée, un grand format, il l’affronte d’abord en s’appuyant sur plusieurs croquis préparatoires qui constitueront autant d’éléments d’information à recomposer. Mais cette démarche structurée n’est pas la plus fréquente. Le plus souvent, sans idée préconçue, le peintre « répond à l’appel de la toile ». Il peut tourner autour du chevalet pendant des heures, sans utiliser une goutte de peinture. Puis, d’un seul coup l’image survient. Alors en condition, Franck se jette à corps perdu dans le travail que caractérise l’osmose entre la gestuelle et l’intériorité. Sa peinture souvent assez monochrome utilise des couleurs évoquant le vide : l’azur, la transparence, le noir bleuté, que le peintre dispose avec générosité. Quand une plage aussi tourmentée que charbonneuse occupe une bonne partie de la composition largement translucide, on pourra y traduire la juxtaposition du néant sur le néant. Côté pratique, une cuvette remplace la palette. Et au pinceau se substitue sa main gantée, prolongée par un chiffon de travail qui sera ensuite scellé à la toile. Ce collage représente une véritable marque de fabrique que l’on retrouvera dans chaque tableau.

Les maîtres

Le premier nom venant à l’esprit de Franck Longelin est celui du précurseur des fauves et de l’expressionnisme : Vincent Van Gogh. Sensible plus tard au cri d'angoisse d’Edvard Munch, le peintre boulonnais a toujours été fasciné par les artistes démesurés, quelle que soit leur époque, de celle de Le Caravage aux plus contemporains que représentent Pierre Soulage, aux noirs si lumineux et Toroni pour la démesure de sa geste poétique. Il trouve enfin un maître absolu en Rembrandt car si quatre siècles séparent le Néerlandais du Boulonnais, « la peinture reste éternelle ». Voie ambitieuse choisie par un créateur démarqué.

L’atelier

Dans l’atelier de Franck Longelin se côtoient en harmonie les œuvres anciennes et les plus récentes, les premières conduisant à la compréhension des secondes. Sur plusieurs niveaux, dans 400 M2 d’un ancien garage devenu friperie, l’artiste trouve la place nécessaire pour laisser respirer ses toiles géantes et s’environner d’une multitude d’objets glanés et de pierres ramassées : un précieux capharnaüm qu’il a néanmoins cloisonné pour offrir un espace d’exposition à ses amis. Franck Longelin aime et provoque la confrontation, non seulement avec d’autres plasticiens, mais aussi avec l’histoire. Tout particulièrement en s’entourant de souvenirs de la Première Guerre mondiale, qui lui permettent de puiser de la force dans la mémoire des hommes morts pour la liberté, un combat qui au troisième millénaire ne le laisse jamais indifférent.

Tag(s) : #Art
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