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Après avoir beaucoup aimé le premier livre de Stéphane Godin – c'est pour cela que j'avais accepté de le préfacer – je me réjouis de l'imminente sortie de la suite de ses « Historiettes et autres divertissements » sous le titre aussi nouveau que prometteur « Le Psy et autres textes » où je me réjouis déjà de retrouver un chapitre particulièrement puissant qui n'avait pas trouvé de place dans le premier tome déjà épais, mais dont j'avais aimé, sous un couvert diabolique, la peinture noire, puissante, quasi lyrique, de notre société rongée par la violence et par l'exploitation.
« Le Psy et autres textes » contient comme la première édition une plaisante ribambelle de poèmes nouvelles et aphorismes, mais plutôt que d'en faire la « critique » j'ai choisi de donner la parole à l'auteur, ami aussi authentique que virtuel, à l'égard duquel je risquerais de perdre mon objectivité, tout en lui conservant ma réelle admiration, tant pour la qualité de son écriture que pour le bien fondé de son inspiration, en bref pour sa dimension humaine.
Voici donc cette interview « exclusive » accordée à Mon Petit Journal par Stef...
Si l'article est un peu long, j'en conviens, il vaut par sa valeur de « document » !
Dominique Arnaud : Stéphane, pourquoi avoir choisi « Le Psy » pour titre ? Est-ce en rapport avec ta profession de psychologue clinicien et du travail ?
Stéphane Godin : Merci Dominique pour ton attention amicale envers moi et pour la possibilité que tu me donnes de m’exprimer sur ton blog.
J’ai nommé ce recueil d’après la nouvelle éponyme, qui met en lumière cette particularité que j’avais remarquée lorsque j’étais bénévole à l’association La Porte Ouverte, qui fait que l’on peut avoir du bien-être à aider les autres, même en étant soi-même dans la pire des situations. C’est cette particularité que j’explore dans cette nouvelle, en en exagérant les circonstances, puisque là le psy est un ivrogne invétéré.
Dans la réalité, la pratique professionnelle s’écarte notablement du bénévolat, non seulement dans le degré d’implication de soi, mais aussi dans le bien-être que l’on peut ressentir à aider les autres. Il y a plus de difficultés à pratiquer le métier de psy qu’à être bénévole, plus de doutes, plus de réflexion, plus de tâtonnements pour viser un but et un seul but : que le patient soit guéri, qu’il vive bien sa vie et finalement… qu’il s’en aille ! La pratique du métier de psy est une confrontation permanente aux limites d’autrui quant aux capacités de celui-ci à s’extraire du pathologique, et c’est sur ce point précis qu’opère son savoir-faire. Dans cette nouvelle c’est précisément cette limitation qui s’évapore comme par enchantement.
D. A. : Depuis que je te connais, j'apprécie cette parenté que nous partageons, le besoin d'écrire. Peux-tu m'en dire davantage sur ce qui est pour toi un moteur quotidien ? Et aussi sur tes petits secrets de « fabrication » ?
S. G. : J’avoue que je suis passé par plusieurs phases. Au début c’était l’enthousiasme qui me faisait écrire. Les idées me tombaient dessus comme s’il en pleuvait, ce qui me permettait d’écrire des textes variés en formes et en sujets.
Aujourd’hui je prolonge ce plaisir en lisant les textes d’autrui, comme ton blog qui m’offre quasi quotidiennement une grande bouffée d’air pur, et je continue d’écrire de la poésie.
Comme ça fait 35 ans que je suis à cette œuvre, j’ai appris à accepter les caprices de ma muse, qui parfois va « voir ailleurs si j’y suis ».
Il faut dire que mon écriture poétique a ceci de particulier qu’elle a besoin à la fois de désinhibition et de totale nouveauté pour exister. Écrire deux fois la même chose, ça ne me plaît pas parce que ça serait trop facile : j’ai besoin de lutter, d’être dans l’effort et la peine, j’ai besoin que ça soit râpeux et que ça saigne pour en tirer un accomplissement. Or cet effort est une recherche intérieure, car même dans le processus d’écriture, dans la façon de composer, il faut chercher au fond de soi le bon mélange, errer dans ses méandres intérieurs, repérer l’anomalie du paysage qui va capter le regard du cœur, gratter la glaise pour s’écorcher au diamant.
D’ailleurs la genèse des poèmes est variée. Des fois c’est la forme qui est le point de départ de l’écriture : j’ai lu un sonnet ? Je me dis tiens, c’est sympa, je vais en écrire un, mais trash. D’autres fois c’est une phrase qui me vient toute seule à l’esprit, et que je creuse, que j’amplifie, que je déforme. Parfois une allitération glanée je ne sais où, un sentiment qui m’étreint, une envie de révolte, un souhait de paix, une volonté de douceur, une envie d’expérimenter du laid pour voir si, mis en poétique, on peut en faire du beau (Vulves). Parfois j’invente et creuse des émotions. Parfois c’est tout simplement une insomnie qui est à l’origine d’une pièce.
Le corset des rimes et des pieds participe à cette rugosité créative, exercice de contrainte qui se heurte de plein front avec l’aile de la verve qui a besoin de liberté pour s’envoler. Ainsi le poème, toujours un peu boiteux (j’aime d’ailleurs alterner des vers de pieds n/n-1 ou n-m), en trébuchant appelle un mieux, plus tard, comme si mon inspiration se nourrissait finalement d’une insatisfaction résiduelle.
J’ai d’ailleurs remarqué qu’à la suite de poèmes qui m’avaient pleinement satisfait (comme Ces vers pour toi, dans Le Psy) ma motivation à écrire s’était complètement évaporée. Pour qu’elle revienne il m’a fallu recourir à une sorte de volonté de révolution qui abatte et renie l’existant pour que de nouvelles ailes me repoussent. Ce qui est rigolo, c’est que ce qui est pour moi un nouveau monde passe inaperçu pour le lecteur qui n’y voit que continuité. J’avais aussi remarqué cet « effet d’optique » en peinture, où des œuvres radicalement novatrices de mon point de vue n’étaient qu’homogénéité de style pour le regard extérieur. Ainsi peut-on penser que du point de vue de l’artiste la création est une marge amplifiée qui se bâtit sur les ruines de l’existant.
D. A. : Même si tes ouvrages sont divertissants, ils contiennent aussi un message, un engagement. Veux-tu développer un peu cet aspect très important de ton œuvre ?
S. G. : Dans mes textes j’aime tout particulièrement remettre en question les idées préconçues, les apparences faciles, les jugements hâtifs, montrer que nous avons tous des motivations à agir et que tout cela appelle un travail d’éthique (c’est l’intention des Chants de Diabolos) qui me semble être la condition sine qua non à la survie de l’humanité. Du coup, le point de vue intérieur de l’autre m’intéresse, et je tente de le recréer tout en prenant le contre-pied des a priori.
D. A. : Tu as la plume aisée, voire acérée, tu mets tes mots volontiers sur la place publique, par exemple sur le site WeLoveWords, mais quel objectif personnel poursuis-tu là ? La gloire, la fortune, la simple contribution à l'essor de la pensée ?
S. G. : Concernant mes textes je suis souvent pris entre une sorte de jubilation et une sorte d’amertume, quand je constate qu’ils ne sont pas aussi grands que je les avais rêvés. J’ai donc décidé de tester la valeur de mes écrits à l’aune d’autrui en les diffusant, et de me laisser une chance de vivre l’aventure de l’écriture professionnelle.
Pour l’instant les retours sont mitigés en terme de ventes et plutôt positifs en terme d’appréciations. Je me suis fixé comme but de publier encore quelques livres (Un jour au bord de l’hiver, Un près-vue livre de photos dont le titre est à préciser, et un ouvrage traitant des biais psychologiques, restant à écrire) et puis d’arrêter si ça ne prend pas. Je dirais donc que ma motivation première est l’aventure. Je ne veux pas, un jour, regretter de ne pas avoir tenté le coup.
Une autre motivation et non des moindres est de rencontrer d’autres talents et de pouvoir nouer avec eux des échanges, car si le monde est beau c’est parce qu’il y a des humains qui le rendent beau, et ça serait bien dommage de passer à côté de cette aventure-là !
D. A. : Beaucoup d'auteurs mettent écrivain sur leur carte de visite. J'aimerais avoir ton avis sur ce qui différencie l'écrivain du simple auteur. Et où te classes-tu ?
S. G. : Pour moi l’écrivain est un auteur professionnel. Car tout-un-chacun peut être l’auteur d’un texte sans être forcément écrivain. Je crois que le statut d’écrivain se construit au fur et à mesure et s’obtient de « plein droit » si je puis dire, lorsqu’il permet à l’auteur d’en vivre. D’un certain côté l’écrivain est celui qui permet à l’auteur de vivre de ses écrits. Ce n’est assurément pas mon cas. Je me situe donc dans la catégorie « auteur ».
D. A. : Pour conclure, voici la question la plus importante, celle que j'ai omis de te poser, que tu aurais peut-être aimé entendre. Voudrais-tu la formuler, et ensuite y répondre ?
S. G. : La question serait : « Que ferais-tu si tu pouvais vivre de ton écriture ? » Je crois que je continuerai d’écrire, en m’attelant à des projets plus ambitieux (qui ne manquent pas), en dédiant peut-être un peu plus de temps à la peinture (voir certains de mes tableaux sur mon site : http://stephane-godin.fr/ ) et en utilisant mes revenus pour des œuvres qui serviraient le bien commun.
Notamment ce qui me tiendrait particulièrement à cœur serait de pouvoir initier un débat éthique, global et institutionnalisé, à fins de faire que les êtres humains se comprennent mieux et vivent dans une plus grande harmonie avec eux-mêmes et leurs environnements. Sacrée utopie, non ?
D. A. : J'aimerais enfin que tu présentes toi-même, en quelques mots, ton nouvel ouvrage et que tu précises ici les moyens de se le procurer, tant la version papier que la version numérique.
S. G. :
« Le Psy » est un recueil qui rassemble des nouvelles, des historiettes, des poèmes et des aphorismes, aphorismes qui sont en fait une suite de « bons mots ».
Les nouvelles racontent des histoires d’humains pris dans la vie quotidienne, et que j’envisage de leurs points de vue. J’utilise d’ailleurs le « je » comme personne narrative.
Les thèmes vont du sujet de société comme « Les vagues d’Elliott », ou plus philosophique comme « Nous deux », à la remise en question des a priori que l’on peut avoir, et parfois à juste titre d’ailleurs, comme dans « 300 000 euros ».
Le Psy ce sont aussi des textes avec des inflexions fantastiques, surréalistes, et même d’horreur, avec quelques incursions dans l’humour comme dans « Bip bip ! ». J’ai placé à la fin « Les chants de Diabolos », où je décortique les mécanismes qui produisent les maux de l’humanité ce qui renvoie au sujet de l’éthique qui m’est cher.
Dans ce nouveau volume j’ai encore misé sur la diversité des textes, tant dans la forme que dans le fond pour faire voyager le lecteur d’un monde à l’autre.
Le livre est disponible en version papier ou numérique en allant sur mon site : stephane-godin.fr.
Enfin quelques mots sur moi : je suis né en 1963 (51 ans) à Paris d’une mère qui sera plus tard médecin psychiatre et d’un père aviateur. J’ai commencé ma carrière en travaillant sur les marchés financiers, avant de devenir psychologue. Je suis marié et père de deux enfants.
D.A. : Stéphane il ne me reste qu'à te remercier pour ces informations complètes sur un blog que tu honore de ta présence ! Et à conseiller de te découvrir sur ton site internet !