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A chaque fois que je reviens, à Lille, dans le secteur de Pellevoisin, qui est celui de mon adolescence, les souvenirs affluent.
Cette fois, je vous parlerai du grand séminaire, tout proche de la rue Laplace où nous résidions. Je viens d'en refaire le tour, à bicyclette. C'est un vaste domaine où étudient les futurs prêtres des diocèses de la France septentrionale et qui, entouré de hauts murs de briques, laisse quand même entrevoir une vaste bâtisse, bicolore à l'instar des rouges barres.
Les rouges barres sont ce fameux appareillage de pierre blanche (craie) et de briques caractéristique de la région à partir du XVIIe siècle. Certes, cet établissement clérical est bien plus récent que l'époque de Louis le quatorzième.
Mais il nous apparaissait, il y a cinq décennies, comme un endroit quelque peu mystérieux car situé au milieu de ce que nous considérions presque comme une forêt urbaine, tant ses beaux arbres dominaient le quartier déjà très vert, grâce aux nombreux jardins privés, où nous résidions.
Par les rues Le Verrier, Saint-Luc, Fermat, Hippolyte-Lefebvre, Gassendi nous nous entraînions, Pascal, Marcel et moi, à la course à pied, lors de nos après-midi consacrées aux « Jeux Olympiques ». Mais ce n'était que sur sa périphérie d'un peu plus d'un kilomètre, sans trop nous risquer à l'intérieur de ce vaste clos, fermé par des grilles, que j'évalue aujourd'hui à une demi-douzaine d'hectares.
Et pourtant, entomologistes en herbe, nous nous serions bien aventurés sous ses ombrages à la recherche de quelques chrysalides de papillons cossus* ou pour capturer carabes et scarabées.
Cependant, l'audace n'est pas toujours l’apanage du jeune âge.
Il m'a fallu devenir sexagénaire pour oser enfin explorer, en douce, les jardins de grand établissement catholique, une démarche qui ne l'était pas tout à fait (catholique) puisque profitant de la béance du portail, j'ai pénétré, illicitement je l'avoue, et à vélo tout terrain, dans le parking ceignant des massifs de fleurs, avant d'aller voir, par les allées, à droite et à gauche d'icelui, le mail superbement ombragé tel un cloître de verdure, le terrain de football magnifiquement vert et déserté actuellement par les séminaristes, les pelouses entourées de buissons ou ombragés de beaux arbres. Seule ma mémoire a réalisé une moisson d'images, car étourdiment je ne m'étais pas muni d'un appareil photographique. Je me suis contenté d'imaginer, en ces lieux sereins, les futurs clercs qui y déambuleront bientôt, après la rentrée de septembre, pour bavarder, méditer ou lire.
Je n'ai jamais ressenti la vocation qui les anime. Mais c'est dans la nostalgie de mes quinze ans que j'éprouve le regret de n'avoir pas exploré davantage cet espace naturel où toute incursion, à l'époque, aurait pris des allures d'expédition menacée de réprimande !
L’Église me pardonnera de n'avoir pas résisté à la tentation, à un âge pourtant... canonique !
*Le Cossus gâte-bois est un gros papillon nocturne dont les larves creusent des galeries dans le tronc d'arbres d'essences variées, dont les peupliers.