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Le baccalauréat c'est un examen des connaissances, c'est une série d'épreuves, mais il apparaît cette année que nos jeunes les souhaiteraient archifaciles pour être bien sûrs d'obtenir le diplôme sans avoir trop travaillé auparavant, alors que le taux d'admis ne cesse de croître.
C'est ainsi que la presse évoque la fronde des candidats du bac S trouvant exagérément difficile le sujet de mathématiques. Ils oublient sans doute qu'aujourd'hui, pour réussir, c'est l'excellence qui est exigée, la médiocrité, même diplômée, ne suffisant pas. Mais je ne suis pas compétent pour juger du niveau de l'épreuve destinée aux scientifiques.
Cependant, quelque chose me dit que l'affaire possède quelques points communs avec ce déchaînement de critiques adressées à Victor Hugo, immense auteur traité de tous les noms d'oiseaux sur Internet, voire menacé comme s'il était contemporain( !) parce que les candidats au bac français devaient commenter « Crépuscule », poème tiré des Contemplations, qu'ils ont jugé bien trop ardu.
Tandis qu'un candidat prétendait avoir lu 36 fois le texte avant de le comprendre, un autre estimait qu'il faut un dictionnaire pour chaque mot. Victor Hugo a donc été sauvagement vilipendé sur Twitter. J'ai écrit vilipendé ? Les jeunes candidats auront besoin d'un lexique pour comprendre ce mot courant, si toutefois ils visitent ce blog, ce qui n'est pas très probable car ce blog est normalement fréquenté par … des lecteurs.
Donc il faut un dictionnaire pour lire le texte de Victor Hugo ? Eh bien je vais le publier ci-après, et chacun pourra ainsi juger de sa difficulté. Sans me flatter, les mots qui le composent ne m'étaient pas vraiment étrangers, et son sens profond devrait être du niveau d'un élève s'apprêtant à passer en terminale...
Toujours est-il que cette fronde en dit long sur la culture littéraire de la nouvelle génération.
Crépuscule
L’étang mystérieux, suaire aux blanches moires,
Frissonne ; au fond du bois, la clairière apparaît ;
Les arbres sont profonds et les branches sont noires ;
Avez-vous vu Vénus à travers la forêt ?
Avez-vous vu Vénus au sommet des collines ?
Vous qui passez dans l’ombre, êtes-vous des amants ?
Les sentiers bruns sont pleins de blanches mousselines ;
L’herbe s’éveille et parle aux sépulcres dormants.
Que dit-il, le brin d’herbe ? et que répond la tombe ?
Aimez, vous qui vivez ! on a froid sous les ifs.
Lèvre, cherche la bouche ! aimez-vous ! la nuit tombe ;
Soyez heureux pendant que nous sommes pensifs.
Dieu veut qu’on ait aimé. Vivez ! faites envie,
Ô couples qui passez sous le vert coudrier.
Tout ce que dans la tombe, en sortant de la vie,
On emporta d’amour, on l’emploie à prier.
Les mortes d’aujourd’hui furent jadis les belles.
Le ver luisant dans l’ombre erre avec son flambeau.
Le vent fait tressaillir, au milieu des javelles,
Le brin d’herbe, et Dieu fait tressaillir le tombeau.
La forme d’un toit noir dessine une chaumière ;
On entend dans les prés le pas lourd du faucheur ;
L’étoile aux cieux, ainsi qu’une fleur de lumière,
Ouvre et fait rayonner sa splendide fraîcheur.
Aimez-vous ! c’est le mois où les fraises sont mûres.
L’ange du soir rêveur, qui flotte dans les vents,
Mêle, en les emportant sur ses ailes obscures,
Les prières des morts aux baisers des vivants.
Victor Hugo