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Sensation étrange à l'arrivée dans cette région mystérieuse au sud du Gévaudan. Plus que le mot hauteur, c'est le mot profondeur qui, alors que s'allongent les ombres, définit pour moi ce terroir cévenol si bien représenté à Saint-Hilaire-de-Lavit. Car ce village à la fois riant et dispersé semble à première vue se trouver aux confins du monde.
Surtout les gîtes de Gilles. Ils se situent au bout d'une impasse, à mi-pente d'une vallée encaissée, desservie par un réseau de chemins entrelacés. Ceux-ci embrouillent si bien le sens d'orientation du voyageur, que d'un versant à l'autre ils constituent un dédale pour géants, dont Thésée se serait sorti à grand peine... On y perd vite le Nord, tant à travers les ramifications de la roche, schistes se délitant, que parmi l'architecture surréaliste des châtaigniers centenaires aux formes tourmentées. Si bien que je me suis perdu, au petit matin, à l'heure de quérir le pain à la plus proche boulangerie : un fournil situé à deux bonnes lieues de l'ancienne magnanerie transformée en petit paradis pour estivants. *
Au plan architectural, il reste de ce lieu d'élevage déserté par les vers à soie un bel ensemble de bâtiments aux pierres apparentes, construits dans un même style local qui confère sa personnalité à tout l'habitat du village, aux maisons dispersées à travers la forêt et les pâturages en terrasses. Mais on imagine que le travail de restauration fut de longue haleine. Dans cet environnement tout en pentes abruptes, les hommes de l'ancien temps, avec leurs seuls bras et l'aide de quelques robustes bêtes, ont construit ces gradins de colosses, ces jardins accrochés à la pente pour travailler plus aisément la terre sur de petites parcelles horizontales épousant les courbes de niveau.
Aujourd'hui les murs qui étayent les terrasses s'effritent et s'effondrent un à un, sous l'effet du bétail et des intempéries, restituant à la nature le patrimoine ancestral de combats paysans contre la rudesse originelle des Cévennes. La Lozère, département le moins peuplé de France, continue ou se remet à sourire malgré des décennies d'exode vers les villes. Car cet univers montagnard du sud du massif central se donne la vocation d'accueillir les citadins qui ont tant besoin, en ce début du 21e siècle, de nature préservée et d'eaux vives. J'y admire particulièrement la signalétique et les panneaux d'informations illustrées qui partout facilitent aux visiteurs la découverte du terroir. Ils indiquent aussi qu'au cœur du parc national, le milieu naturel est protégé le mieux possible des agressions du modernisme.
Ici, sur la sente fleurie qui conduit des gîtes de Gilles à la piscine bleue surplombant le vallon, les lépidoptères abondent sur les corolles parfumées. A l'ombre des résineux, la mousse garde au frais quelques girolles. Les chanterelles riment avec les ailes de tout ce qui vole de jour comme de nuit, papillons citrons et noctuelles, passereaux, faucons, chouettes et chauves-souris qui pénètrent quelquefois involontairement dans les maisons (j'ai eu bien du mal à rendre la liberté à l'un de ces mammifère volants), tandis que les arbres creux aux formes tourmentées sont colonisés par les plus troglodytes d'entre eux.
Bien sûr, se ressent immédiatement le besoin d'abandonner la bagnole pour découvrir cet environnement magique, non en suivant le ruban de macadam, mais en empruntant les pistes dont les cailloux plats sonnent sous le pas. Ils conduisent aux coins secrets où poussent les cèpes après l'orage, longent le temple protestant établi dans une église romane et dont le cimetière aux herbes folles rend moins effrayant le dernier repos. A côté de l'église catholique au petit clocher-mur, des meublés accueillent les touristes qui prendront l'apéro, gaiement, sur ces tables et chaises de plastique blanc ne parvenant pas à déparer ce lieu hospitalier. Au retour d'une excursion pédestre avec Pascal, j'ai le gosier desséché par la rudesse de la pente et le bavardage : un robinet d'eau fraîche est dissimulé derrière la mairie, vraie maison commune, bien située au carrefour des voies vicinales. De l'eau fraîche qui ne vaut pas l'apéro mérité en compagnie de Brigitte, sur la terrasse ombragée... Chemin faisant, nous pouvons déjà imaginer l'itinéraire de demain...
* Je préciserai quand même que l'on vient très vite à bout de cette complexité topographique. Dès le second jour, les itinéraires me semblaient familiers...
En savoir + sur les gîtes de Gilles : http://www.causses-cevennes.com/gite-maziere/default.htm