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FRONTIÈRES A FRANCHIR ET A ABOLIR : DE RÉPUBLIQUE EN ROYAUME
Citoyen du Monde, je me réjouirais bien de l'abolition des frontières. Leur défense a fait trop de torts, trop de morts. Et je ne parle pas que des territoires, il y a aussi les barrières entre les hommes : celles de la langue, de la culture, de la religion, du régime politique, de l'état de fortune, de l'inégalité économique, celle aussi de l'influence ou de l'état de dépendance que les uns veulent exercer ou imposer aux autres.

Citoyen du Monde, je sais bien que la nature n'a pas de frontière, que nous sommes tous interdépendants, qu'un nuage radioactif se moque des postes de douanes, que Tchernobyl c'est la porte à côté, que la disparition ou le déplacement d'une espèce de son lieu d'origine à une nouvelle implantation aura un impact, parfois fâcheux, sur bien d'autres.

Et cependant les frontières me fascinent car elles ont toujours symbolisé pour moi le dépaysement, et que le dépaysement fait mon bonheur, dans la mesure où j'aime aller, l'esprit ouvert, là où les choses, les coutumes et les gens me paraissant différents, il me plaît de tendre la main en toute simplicité, pour quêter ne serait-ce qu'un mot ou un sourire.

Je ne sais pas où se trouve exactement la frontière entre le Mexique et la France, ligne imaginaire que je franchis souvent avec une réelle excitation, grâce à ces tours de Babel modernes qui se baladent au dessus des nuages, à dix mille mètres d'altitude et à près de mille kilomètres à l'heure, là où les hôtesses trilingues s'efforcent de comprendre chacun.

Mais j'ai encore situé, hier, la frontière théorique entre France et Belgique, franchie à deux reprises à vélo sans apercevoir la moindre barrière ou la casquette d'un douanier. Et pourtant, outre le petit panneau bleu, entourant le mot France des étoiles européennes marquant le retour, je perçois bien des différences entre le Royaume de Philippe et la République de François. D'un côté à l'autre de la frontière, à un kilomètre de distance, il y a un petit quelque chose qui change dans l'architecture, l'aménagement des villages et leur décor, les façades et les enseignes des magasins.

Et puis, malgré l'Europe, le libre échange des marchandises et des gens, il y a encore des écarts tarifaires. Au retour, histoire de lui faire gagner une bonne dizaines d'euros, j'ai rapporté en toute légalité une cartouche de cigarettes pour ma moitié, comme je le faisais pour mon père il y a un demi-siècle, époque où jeune cycliste, je craignais les sévères douaniers qui ne toléraient pas plus d'un paquet de Belga ou de tabac pour pipe Amphora. Et pour le gourmand que je reste, j'ai glissé dans le sac à dos quelques barres de chocolat Côte d'Or...

L'achat de ces produits fut particulièrement pittoresque. Quand je suis rentré dans le magasin frontalier arborant en lettres immenses, plusieurs fois, le mot « TABAC » suivi de « cigares et accessoires », panneaux surdimensionnés qu'on ne trouverait pas en France, j'ai été accueilli par un homme jeune, au poil noir et à la peau plus basanée que la majorité des sujets belges. Il a répondu très ouvertement à mon sourire, nous avons échangé un bonjour, puis quelques mots, et il m'a tutoyé tout de suite, en me renseignant sur le prix des cigarettes, en m'offrant un briquet et un sachet en plastique, en évoquant la météo. Son accent, pas très courant Outre-Quiévrain, m'incita à lui demander quel est son pays d'origine.

Eh bien, cette aimable commerçant frontalier est Pakistanais, installé depuis quatre ans en Belgique, prisant fort ce petit pays européen aux riches traditions, et ne regrettant pas la saison chaude de sa patrie, plutôt torride, où le thermomètre, m'indiqua-t-il peut monter à 46 ou 47 degrés ce qui annihile toute tentative de bouger ou d'agir...

Nous avons ainsi papoté quelques minutes comme de vieux amis, et franchement, j'avais l'impression d'avoir franchi une frontière autrement plus dépaysante que celle qui traverse sans les séparer nos plats pays franco-belges, et qui s'y montre étonnamment sinueuse !

Et tout cela entre Lille et Tournai, ça valait le voyage, non ?

Rue de Tournai en France, chaussée de Lille en Belgique, et bien sûr la Route du Tabac !

Rue de Tournai en France, chaussée de Lille en Belgique, et bien sûr la Route du Tabac !

Seul un petit panneau bleu.

Seul un petit panneau bleu.

Oui, c'est bien du tabac qu'on vend ici, 20% moins cher que de l'autre côté

Oui, c'est bien du tabac qu'on vend ici, 20% moins cher que de l'autre côté

Tag(s) : #Edito, #Randonnée, #Tourisme
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