Réflexion à propos d'une lecture... La croissance exponentielle à l'image du nénuphar

Le concept de « croissance zéro » remonte à 1972, au fameux rapport Meadows sur les limites de la croissance, quand le Club de Rome tirait la sonnette d'alarme : nous ne pourrons pas, perpétuellement, exploiter toujours plus les ressources d'une planète Terre à bout de souffle, nous approchons de la catastrophe, de plus en plus inéluctable si l'on se réfère à l'image du nénuphar qui illustre bien le risque de la croissance exponentielle : si la surface de l'étang, occupée par la plante, double tous les jours et qu'il a fallu 39 jours pour que les nénuphars couvrent la moitié de la surface et consomment donc la moitié des ressources du plan d'eau, il ne faudra qu'une journée, la quarantième, pour que les feuilles recouvrent toute la surface et étouffent entièrement ce milieu naturel. Et nous sommes à quelle heure de cette quarantième journée ?

Cependant les hommes politiques continuent à prôner la nécessité de la croissance, par exemple Laurent Fabius qui tout récemment considérait qu'il en faut davantage encore pour faire diminuer le chômage. Une voix parmi d'autres car cette préconisation est généralisée.

On ne sait pas où on va, mais on y va !

Ce préambule pour amener ma réflexion d'aujourd'hui, provoquée par ma lecture actuelle du livre* de Franz Broswimmer sur l'extinction en masse des espèces dont le préfacier - J.P. Berlan - cite Kenneth Boulding qui fut le président de l'association américaine des économistes : « Celui qui croit qu'une croissance exponentielle peut continuer indéfiniment dans un monde fini est un fou, ou un économiste. »

Tous ces propos ne sont pas récents, mais ceux qui nous gouvernent n'ont pas, depuis, changé de langage, ils continuent à nous pousser vers le mur sans envisager les autres solutions et notamment la reconsidération des vrais besoins humains, à une époque où les écarts se creusent, où les uns gaspillent de plus en plus tandis que grandit la paupérisation des autres.

Le temps du partage n'est-il pas venu ? A se demander si Martine Aubry, tant critiquée avec sa « loi des 35 heures », n'avait pas raison à la fin du second millénaire...

Il semble en effet que dans les décennies ou dans les années à venir, le concept de croissance zéro ne suffira plus, mais qu'il nous faudra passer par une douloureuse décroissance !

*Une brève histoire de l'extinction en masse des espèces, Agone.

N.B. - Prochain article sur la découverte des bahias - baies - de Huatulco, Mexique. Eh oui ! Je sais bien que le bus + l'avion + le taxi + le catamaran à moteur, c'est pas très écolo... disculpe ! Comme on dit ici... Je vais donc au devant des critiques... Promis, après, je reprends mon vélo.

Comments

[Pascal de Gâtine]

L'image de la croissance géométrique du nénuphar est belle et juste. Le monde des hommes va peut-être crever, ou plus exactement exploser, après avoir grossi démesurément. Ce qui est sur le plan humain, c'est-à-dire vu par notre lorgnette, une catastrophe n'est sans doute qu'une péripétie dans l'histoire de la planète, mais il est légitime de s'interroger. D'où l'idée de croissance zéro qui mettrait un terme à nos comportements d'apprentis sorciers, allant vers un idéal de stabilisation des écosystèmes si perturbés par nous, voire de régénération.
Idée séduisante, qui séduit plus les individus que les collectivités dont le taux de sensibilité est inversement proportionnel à la taille politique et économique. L'infatigable rédacteur du Petit journal a donc raison sur le fond, comme il n'a pas tout à fait tort avec sa chronique "Usufruitiers de la Terre" qui conteste le droit de propriété, bien après Proud'hon qui le considérait comme un vol.
Néanmoins, l'auteur de ces sages recommandations ne peut non plus faire abstraction de sa propre situation. Il est formidable de vivre six mois par an au Mexique et de découvrir sans cesse ce magnifique et attachant pays, et de vivre les six autres mois en France, à la plus grande joie des siens plus casaniers. Cela veut dire deux logements, et donc deux fois le nécessaire pour vivre confortablement et des déplacements par air plus gourmands en énergie mais plus rapides que la marine à voile. Cela veut dire aussi ( quelle honte!) trois vélos pour un seul cul et deux jambes.
L'auteur de ces lignes est tout autant que l'auteur des papiers précités exposé à la critique, comme la très grande majorité des êtres humains qui ont le bénéfice - et les inconvénients- des sociétés industrielles développées. Chacun veut bien trier ses bouteilles ou porter ( avec moins d'enthousiasme) ses tailles de jardin à la déchetterie verte, mais qui acceptera de se séparer de sa voiture, de faire sa lessive à la main et de passer ses vacances à cultiver son potager?
La croissance zéro a donc ses limites. Et ce n'est pas la croissance zéro qui porte l'avenir, mais une autre forme de croissance qu'elle soit scientifiques, éthique, sociale, à commencer par les énergies renouvelables qui ne sont pas à la hauteur, loin de là, de leur puissance économique potentielle .

[da]

Je te ferai forcément une réponse fraternelle en te disant que ton propos est pertinent et que je l'accepte de bon cœur, même la critique sur le nombre des vélos : en fait, j'en ai quatre, mais le total coûte moins cher qu'un seul vélo de luxe. De plus, dans chaque région où je roule, je fais des économies d'énergie grâce à la petite reine et diffuse le moins possible de gaz à effet de serre. Certes il faut prendre l'avion, mais au Mexique, je n'ai pas à chauffer tout l'hiver comme tu le fais en Gâtine et la maison bourguignonne est seulement en hors-gel!
Enfin c'est vrai que deux foyers ça a un coût, mais avec une dépense de X euros ou pesos, on fait vivre plus de Mexicains que de Français.
En tous cas merci pour ta belle contribution

[Stef]

Pour moi la croissance a un gisement dans les économies d'énergie, la dépollution, et la réduction des gaz à effet de serre.

[da]

Tu n'as pas tort, mais sera-ce suffisant ???

[Bertrand]

C'est la logique même, le bon sens, l'évidence. Tout, absolument tout dans cet univers fonctionne de la sorte. Il y a un temps pour croître et un temps pour décroître. Ceci dit la croissance exponentielle accélère la décroissance. Plus vite nous serons épuisé plus vite il faudra lever le pied, de force ! Mais c'est peine perdu que d'espérer je crois, le changement se fera sous la contrainte de la nécessité en temps et heure. Preuve que l’intellect sans la sagesse ne vaut pas un clou !
Mais quand bien même chacun serait d'accord sur le principe, reste à trouver la solution concrètement applicable à l'échelle internationale. Autrement dit je ne crois pas une seconde que la solution viendra des politiques, mais des peuples. Moi je crois en la toute puissance du peuple, pour créer les problèmes comme pour les résoudre :).

[DA]

Tu le dis autrement et tu as raison, science sans conscience n'est que ruine de l'âme ! Effectivement la solution ne viendra pas des politiques, pour deux raisons : d'une part ils traînent en la matière depuis des années ; d'autre part, de toutes manières, ils ont laissé le pouvoir aux puissances de l'argent qui désormais tirent les ficelles. Effectivement, tout devra venir du peuple, mais avec des impacts certainement effrayants, notre sort sera celui des dinosaures...