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Depuis l'adolescence, j'ai toujours aimé me dépayser, et donc passer les frontières. Mais à 16 ans, quand on rêve de voyage, on n'a pas toujours le moyen de franchir l'Atlantique, la Méditerranée ou même la Manche. Du moins, je ne les avais pas, à cet âge, dans les années soixante... Alors, de Lille, quartier de Pellevoisin, j'enfourchais mon vélo pour aller au delà de la frontière belge, vers un monde qui me paraissait aussi étrange qu'inconnu. Il y avait d'abord l'excitation que provoquaient de vrais postes de douanes, belges et français, avec risque de contrôle des apprentis contrebandiers, délicieux frissons à l'idée de passer un paquet de tabac de trop, donc interdit, pour Papa. Et aussi l'approvisionnement gourmand en réputé chocolat belge dont une partie passait d'un état à l'autre à l'abri de l'estomac.
Ensuite, il y avait la limite linguistique : c'est très dépaysant de changer de langue et de culture en quelques centaines de mètres, de ne plus, soudain, comprendre panneaux et enseignes, voire les gens...car au lycée je n'apprenais pas le flamand.
Et bien, hier, j'ai renoué avec cette époque, à l'aide de mon "nouveau vieux" VTT pour tenter de regagner la frontière belge, sans carte, en me fiant à mes souvenirs et aux panneaux indicateurs. Et là je me suis rendu compte, sur le trajet, qu'en ces communes pas vraiment touristiques, il y a plein de lieux et de monuments qui méritent le coup d'oeil : rien de tel que la petite reine pour les découvrir. Ce serait trop long à pied, et en voiture, on avancerait trop vite pour admirer, et on ne pourrait pas prendre le chemin des écoliers. J'ai donc traversé La Madeleine, très beau centre-ville, puis Bondues, dont je me souvenais de l'aérodrome, à travers des paysages assez urbanisés avant de gagner, plus à la campagne, Werwicq-sud, village frontière français, observez bien l'orthographe car passée la rivière canalisée Lys, et sans voir de poste douanier, on se trouve en Belgique, à Wervik avec un K, une coquette commune flamande où comme au bon vieux temps je suis allé prendre un café dans une chaleureuse brasserie, admirant au passage de remarquables sculptures, dont un couple de cerfs amoureux, dont on aimera ou non, l'inspiration, et aussi le bel ensemble que forment le vieux moulin, et le musée du tabac : belle architecture flamande à remarquer. Ici on est vraiment ailleurs, voir titre du blog. L'église est monumentale et ce matin-là, la petite cité ne commença à s'éveiller qu'au son des cloches.
Je voulais ensuite gagner deux ensembles de cités jumelles, se trouvant de part et d'autre de la frontière. D'abord Warneton, et son homologue française, une des premières villes visitées il y a plus de 50 ans, et plutôt que de prendre la route, j'ai choisie l'excellent chemin de halage, le long de la Lys. Ce chemin passe par Comines, Komen en Belgique, occasion de passer une frontière linguistique sans même avoir franchi la frontière française, car à Comines (Belgique) comme à Warneton, situé un peu plus loin (l'ensemble forme une municipalité) on parle français et les enseignes sont rédigées dans la langue de Molière. Itinéraire au bord de l'eau très agréable donc dans une petite région aimable qui propose de nombreux écomusées, dont ceux de la brasserie, de la poste, de la rubanerie, du téléphone, sans oublier les souvenirs historiques de la Grande Guerre. Les boutiques sont très ouvertes aux Français qui viennent notamment s'y fournir à bon compte en tabac.
Longer la Lys offre de très beaux coups d'oeil, tant sur les hauts clochers qui rythment le paysage que sur les péniches qui dorment à quai. Ici, on croise maints cyclistes et coureurs à pied qui profitent des agréments d'une voie interdite aux véhicules motorisés. Après avoir admiré de Warneton le bel ensemble que forment la mairie et une brasserie à la belle façade à pas-de-moineaux, j'ai franchi à nouveau la frontière et préféré à la grand-route dès Deûlemont (port fluvial), le chemin de halage de la Deûle, un peu moins confortable que son équivalent belge, mais fort agréable, jusqu'à Wambrechies commune périphérique de Lille célèbre pour son genièvre.
Un mot encore pour dire qu'outre les charmes paysagers et le fait d'avoir respiré une atmosphère dépaysante, j'ai apprécié le magnifique spectacle de l'avifaune, tant sur la Lys que sur la Deûle.
Bien que ces rivières coulent dans une région fortement urbanisée, elles représentent un véritable corridor écologique. J'y ai observé en effet, outre les canards familiers, de très nombreux hérons, cormorans, grèbes huppés (sorte de canard plongeur qui attrape de petits poissons), foulques, poules d'eau, oies sauvages, mouettes et magnifiques cygnes blanc. Un vrai parc ornithologique !
La balade au pays des souvenirs valait aussi par cette abondante présence volatile.
Un itinéraire à conseiller donc, à partir de Lille. Même en s'arrêtant pour faire des photos, les 50 km sont réalisables dans la matinée ! Une autre manière de profiter de ces lieux est de pratiquer le tourisme fluvial qui s'y développe.
NB : La Deûle prenant sa source dans le Pas-de-Calais se jette dans la Lys à Deûlémont ; elle donne son nom au parc formé de plusieurs sites naturels et cheminements au sud-ouest de Lille